Deuxième Guerre – Attaques contre les autres populations civiles – Kinshasa

Section I > Chapitre III. Deuxième Guerre > B. Attaques contre les autres populations civiles > 2. Kinshasa

334. Fin août 1998, les militaires de l’ANC/APR/UPDF et les FAC/ZDF se sont affrontés pour le contrôle de Kinshasa. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :

  • Fin août 1998, des éléments des ZDF ont bombardé à l’arme lourde les communes de Kimbanseke, Masina et Ndjili et le village de Kingatoko, à la frontière avec la province du Bas-Congo, et tué plus d’une cinquantaine de civils. Dans la nuit du 27 au 28 août, 282 civils blessés ont été accueillis dans les principaux hôpitaux et centres médicaux de la capitale. Les bombardements ont occasionné des vagues de déplacement de milliers de personnes vers d’autres communes. Les éléments des ZDF ont tiré à l’arme lourde sans faire de distinction entre les objectifs civils et militaires. Ils ont ainsi touché des unités sanitaires et des lieux de culte. Les autorités militaires ont souvent exposé les civils à des tirs indiscriminés en leur ordonnant de rester chez eux afin que les militaires de l’ANC/APR/UPDF ne puissent pas se cacher dans les maisons abandonnées514.
  • Entre le 28 août et le 1er septembre 1998, les combats entre les troupes de l’ANC/APR/UPDF et celles des FAC/ZDF ont fait plusieurs morts parmi les civils, notamment dans la commune de Mont-Ngafula515.
  • Le 28 août 1998, les FAC ont tué au moins deux volontaires de la Croix-Rouge, dont un en lui fracassant le crâne, alors que ces derniers tentaient de secourir des victimes des bombardements dans les quartiers Mitendi et Mbenseke de la commune de Mont-Ngafula. Au cours du même incident, ils ont aussi blessé grièvement un nombre indéterminé de volontaires de la Croix-Rouge516.

335. Le 13 août 1998, les troupes de l’ANC/APR/UPDF ont pris le contrôle du complexe hydroélectrique d’Inga, dans le Bas-Congo et arrêté les turbines du barrage.

  • En arrêtant les turbines du barrage d’Inga pendant près de trois semaines au cours d’août et septembre 1998, les troupes de l’ANC/APR/UPDF ont privé une partie de la province du Bas-Congo et plusieurs quartiers de Kinshasa de leur approvisionnement en électricité et en eau. Ils ont ainsi mis hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population, comme des centres médicaux et l’Hôpital général de Kinshasa. Au cours de ces trois semaines, le taux de mortalité dans les centres de santé, notamment des enfants, a ainsi considérablement augmenté517.

336. Au cours de la même période, toutes les forces de sécurité ont, de façon générale, commis, dans une impunité quasi-totale, des assassinats, des meurtres, des exécutions extrajudiciaires, des viols et des actes de torture à l’encontre des opposants politiques et des civils ordinaires518.

337. Entre les mois d’août 1998 et janvier 2001, une cinquantaine de communications concernant des incidents survenus à Kinshasa ont été envoyées au Gouvernement à travers les mécanismes prévus par la Commission des droits de l’homme, parmi lesquels le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Groupe de travail sur les détentions arbitraires519.

338. Les incidents sont trop nombreux pour être tous répertoriés. L’Équipe Mapping a pu documenter les cas allégués suivants présentés à titre illustratif.

  • Entre la fin de1998 et 2001, des éléments des forces de sécurité du Gouvernement de Kinshasa ont fait disparaître, torturé et violé de nombreux militants membres des partis politiques UDPS et PALU. Les graves violations commises à leur encontre ont eu lieu le plus souvent dans les cachots de la Police d’intervention rapide (PIR), de la Direction des renseignements généraux et services spéciaux (DRGS) [Kin Mazière], de l’Ipkin (ex-Circo) et du camp Kokolo520.
  • À compter du 28 octobre 2000, les services de sécurité du Président Kabila ont arrêté arbitrairement et torturé au moins 93 personnes dont 60 militaires et 33 civils originaires des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema. Les victimes étaient accusées de préparer un coup d’état sous la direction d’un des membres fondateurs de l’AFDL, Anselme Masasu Nindaga. La plupart des militaires ont été détenus au centre d’entraînement de Maluku, au camp Kokolo, au camp Tshatshi et au GLM. Certaines des personnes détenues ont été exécutées sommairement, d’autres ont été torturées à mort. Certaines des victimes sont restées en détention pendant plus de trois ans et n’ont été libérées qu’après la promulgation du décret-loi portant amnistie générale521.

339. Dans le cadre de leur alliance avec le Gouvernement angolais, les autorités de Kinshasa ont cherché à entraver les activités des membres du mouvement indépendantiste cabindais FLEC (Front pour la libération du Cabinda). L’incident allégué suivant a été documenté :

  • De 1998 à 1999, les forces de sécurité du Gouvernement de Kinshasa ont fermé les bureaux du FLEC et ont procédé à de nombreuses arrestations arbitraires de militants indépendantistes cabindais. La plupart des victimes ont été torturées. Certains militants cabindais ont été transférés en Angola. D’autres sont portés disparus jusqu’à ce jour522.

___________________________

514 Entretiens avec l’Équipe Mapping, avril 2009; Rapport sur la situation des droits de l’homme dans la RDC (E/CN.4/1999/31) »; ASADHO, communiqué de presse, 6 septembre 1998; AI, « RDC: La guerre contre les civils non armés », 1998; Reuters, « Shelling in Kinshasa suburb, Civilians Flee », 23 août 1998; IRIN, « Weekly Round-Up », 4 septembre 1998.
515 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Kinshasa avril 2009.
516 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Kinshasa mars 2009.
517 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Kinshasa, avril 2009; Rapport sur la situation des droits de l’homme dans la RDC (E/CN.4/1999/31); CICR, communiqués de presse, 19, 28 août et 9 septembre 1998.
518 ASADHO, Rapport annuel, 1998; AI, « RDC: La dignité humaine réduite à néant », 2000; Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, U.S. Department of State, « Country Reports on Human Rights Practices », 1999, 2000 et 2001.
519 La plupart de ces communications, qui concernent des centaines de personnes, ont été faites conjointement avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RDC: E/CN.4/1999/39/Add.1, E/CN.4/1999/61, E/CN.4/1999/62, E/CN.4/1999/63, E/CN.4/2000/4, E/CN.4/2000/9, E/CN.4/2000/64 et Corr.1 et 2, E/CN.4/2001/9/Add.1, E/CN.4/2001/14, E/CN.4/2001/66, E/CN.4/2001/68 et E/CN.4/2003/Add.1
520 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Kinshasa, avril et mai 2009; ASADHO, Rapport annuel , 1998; Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, U.S. Department of State, « Country Reports on Human Rights Practices », 1999, 2000 et 2001.
521 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Kinshasa mai 2009; Rapport sur la mission effectuée du 11 au
21 mars 2001 par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RDC (E/CN.4/2001/40/Add.1) ; CODHO [Comité des observateurs des droits de l’homme], communiqué de presse, 30 décembre 2000; Info-Congo/Kinshasa, octobre-décembre 2000 et janvier-mars 2001.
522 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Kinshasa, mars et mai 2009; Rapports sur la situation des droits de l’homme dans la RDC (E/CN.4/1999/31 et E/CN.4/2000/42).