Qualification Juridique des Actes de Violence – Crimes de guerre

Tel que le meurtre, l’atteinte à l’intégrité physique et le viol);

A l’encontre de personnes protégées qui ne participent pas aux hostilités

Durant un conflit armé, interne ou international

Un lien de connexité entre le conflit armé et l’acte posé. l’auteur de l’acte soit conscient de l’existence du conflit armé

Des conflits armés de nature interne et internationale et des conflits internes qui se sont internationalisés

466. On entend généralement par « crimes de guerre » toutes violations graves du droit international humanitaire commises à l’occasion d’un conflit armé international ou interne à l’encontre de civils ou de combattants ennemis qui entraînent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs. Ces crimes découlent essentiellement des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs Protocoles additionnels I et II de 1977 et des Conventions de La Haye de 1899 et 1907. Leur codification la plus récente se trouve à l’article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998, qui distingue quatre catégories de crimes de guerre:
  • Les graves infractions aux Conventions de Genève commises contre des personnes ou des biens protégés dans un conflit armé international telles que l’homicide intentionnel, la torture, le fait de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé et la destruction et l’appropriation de biens (al, a, par. 2 de l’article 8);
  • Les autres violations graves des lois et coutumes de la guerre dans un conflit armé international telles que les attaques intentionnelles contre la population civile, le viol et l’esclavage sexuel, l’enrôlement ou l’utilisation d’enfants soldats (al. b, par. 2 de l’article 8);
  • Les graves violations de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève commises à l’encontre de personnes qui ne participent pas directement aux hostilités au cours d’un conflit armé interne telles que les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre, les mutilations, les traitements cruels et la torture (al, c, 2 de l’article 8);
  • Les autres violations graves des lois et coutumes de la guerre applicables dans un conflit armé interne telles que les attaques intentionnelles contre la population civile, le viol et l’esclavage sexuel, la conscription, l’enrôlement ou l’utilisation d’enfants soldats (al. e, 2 de l’article 8).
467. Il ressort de cette définition que la commission d’un crime de guerre nécessite la preuve de quatre éléments principaux, en plus de l’élément mental requis pour chaque accusé:

a) Un acte prohibé (tel que le meurtre, l’atteinte à l’intégrité physique et le viol);  b) Commis à l’encontre de personnes protégées (telles que celles qui ne participent pas directement aux hostilités)868;  c)Durant un conflit armé, interne ou international; d) Et un lien de connexité entre le conflit armé et l’acte posé.

1. Actes prohibés

468. Parmi les multiples actes prohibés en vertu de la définition des crimes de guerre, on trouve ceux qui constituent l’essentiel des plus graves violations des droits de l’homme, notamment les violations du droit à la vie, à l’intégrité physique et morale de sa personne et à la liberté et à la sûreté de sa personne. En droit international humanitaire, les violations sont traitées comme graves – et par conséquent comme des crimes de guerre – lorsqu’elles mettent en danger des personnes ou des biens protégés, ou lorsqu’elles enfreignent des valeurs importantes869. L’inventaire dressé dans les chapitres précédents a révélé la commission de multiples actes prohibés, notamment:
  • Meurtres, homicides intentionnels;
  • Atteintes à l’intégrité physique ou à la santé;
  • Viols, esclavage sexuel ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux Conventions de Genève;
  • Torture;
  • Attaques intentionnelles contre la population civile ou en sachant qu’elles causeront des pertes en vies humaines chez les civils de façon disproportionnée;
  • Déportation ou transfert illégal d’une population civile ou d’une partie de celle-ci;
  • Pillage, destruction et appropriation de biens civils de façon illicite et arbitraire;
  • Conscription, enrôlement et utilisation d’enfants soldats.

2. Personnes protégées

469. Un deuxième élément nécessaire à la qualification des crimes de guerre concerne la nature des victimes des actes prohibés (ou des biens visés), qui doivent faire partie des groupes protégés tels que définis par les Conventions de Genève. La définition de ces groupes varie quelque peu selon les différentes Conventions, la nature du conflit et les actes prohibés commis à leur encontre. Pour les fins du Projet, retenons qu’elle couvre les personnes qui ne participent pas aux hostilités870, particulièrement les populations civiles, ainsi que celles mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre cause, y compris un combattant ayant déposé les armes. La vaste majorité des victimes des violations les plus graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003 répertoriées dans le présent rapport font partie de ces groupes protégés, généralement des civils qui ne participaient pas aux hostilités. C’est le cas notamment des personnes vivant dans les camps de réfugiés qui constituent une population civile ne participant pas aux hostilités, malgré la présence de militaires parmi elles dans certains cas871.

3. Conflit armé

470. Les actes prohibés à l’encontre d’un groupe protégé doivent être commis au cours d’un conflit armé. On parle de conflit armé lorsqu’un ou plusieurs États ont recours à la force armée contre un autre État, lorsque des forces armées gouvernementales sont opposées à des groupes armés non gouvernementaux ou lorsqu’il y a un conflit armé entre certains groupes872. 471. Le droit international humanitaire distingue deux types de conflits armés: le conflit armé international qui généralement oppose deux États ou plus et le conflit armé interne ou non international, qui oppose les forces gouvernementales à des groupes armés non gouvernementaux, ou des groupes armés entre eux. Finalement, afin de distinguer le conflit interne (non international) des troubles intérieurs, des tensions internes ou des actes de banditisme, le droit international humanitaire exige que l’affrontement armé soit prolongé, qu’il atteigne un niveau minimal d’intensité et que les parties impliquées fassent preuve d’un minimum d’organisation873. En ce qui concerne les parties aux conflits mentionnées dans le présent rapport, la grande majorité des acteurs impliqués possédaient certainement ce minimum d’organisation exigé par le droit international humanitaire, s’agissant de troupes régulières étatiques ou qui l’étaient avant le conflit (par exemple les ex-FAR) et des groupes de rebelles ou de miliciens armés souvent appuyés, entraînés et armés par les forces armées de pays voisins ou par le Gouvernement de Kinshasa. Les quelques exceptions possibles à cette observation générale sont examinées dans leur contexte ci-dessous. 472. La distinction entre un conflit armé international et un conflit armé interne, bien que toujours indispensable afin de déterminer le régime juridique applicable sous le Statut de Rome de la CPI, s’est presque estompée quant aux implications juridiques en cause. La distinction demeure importante à certains égards, notamment quant à l’obligation des États de prévoir dans leur législation nationale la compétence universelle sur les crimes de guerre connus comme des « infractions graves »874, de l’inclusion ou non de certains actes prohibés, etc. Toutefois, comme le confirme l’étude du CICR sur le droit coutumier, la quasi-totalité des violations du droit international humanitaire et des crimes de guerre qui y sont associés sont les mêmes que l’on soit dans un contexte de conflit armé international ou interne. Ainsi, les violations les plus graves mentionnées dans le présent rapport se qualifieront de crimes de guerre sous un régime ou l’autre, qu’il s’agisse notamment de pillages, d’attaques contre les civils ou de violences sexuelles, pour ne nommer que celles-là. En effet, la grande majorité des incidents violents répertoriés dans les chapitres précédents résultent de conflits armés, qu’ils soient internes ou internationaux et ils révèlent la commission de crimes de guerre en tant que violations graves du droit international humanitaire875.

4. Lien de connexité

473. Finalement, il doit exister un lien de connexité entre l’acte prohibé et le conflit armé. On exige ainsi que l’auteur de l’acte soit conscient de l’existence du conflit armé au moment où il commet l’acte, que son acte ait lieu dans le contexte du conflit armé et y soit « associé »876. En ce qui concerne les incidents répertoriés par l’Équipe Mapping, de manière générale, ce lien est clair. Il devra néanmoins être démontré à l’égard de chaque individu poursuivi pour crime de guerre devant une instance judiciaire pour établir sa responsabilité pénale individuelle.