CHAPITRE III. Deuxième guerre

Section I > CHAPITRE III. Août 1998-janvier 2001 : Deuxième guerre 

308. À compter de la fin de 1997, les relations entre le Président Laurent-Désiré Kabila, le Rwanda et les militaires tutsi présents au sein des Forces armées congolaises (FAC) se sont fortement dégradées. Les autorités rwandaises et certains militaires tutsi congolais reprochaient notamment au président congolais de privilégier son clan katangais, de ne pas respecter ses engagements en matière de reconnaissance du droit des Banyamulenge à la nationalité congolaise et de se montrer trop conciliant envers les ex-Forces armées rwandaises/Interahamwe [ex-FAR/Interahamwe] et les milices Mayi-Mayi hostiles à la présence de l’Armée patriotique rwandaise (APR) au Congo. En juillet 1998, craignant un coup d’état, le Président Kabila a relevé le général rwandais James Kabarebe de ses fonctions de chef d’état-major des FAC et ordonné le départ des militaires de l’APR du territoire congolais. En réaction, le 2 août 1998, des militaires tutsi se sont mutinés et ont lancé, avec l’aide de l’APR, de l’armée ougandaise [Ugandan Prople’s Defence Force (UPDF)], de l’armée burundaise [Forces armées burundaises (FAB)] et de certains militaires des ex-Forces armées zaïroises (ex-FAZ) une rébellion visant à renverser le Président Kabila.

309. En quelques semaines, cette coalition regroupée sous la bannière d’un nouveau mouvement politico-militaire, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD)465, a pris le contrôle des principales villes des Kivu, de la province Orientale et du Nord-Katanga et effectué une percée jusque dans la province de l’Équateur. En raison de l’intervention militaire de l’Angola et du Zimbabwe aux côtés du Président Kabila, l’offensive de la coalition dans la province du Bas-Congo et sur Kinshasa a cependant échoué. Au cours des mois suivants, la RDC s’est alors trouvée divisée en deux zones, l’une dirigée par L. D. Kabila avec l’appui des forces armées du Zimbabwe [Zimbabwe Defence Forces (ZDF)], de l’Angola [Forças Armadas Angolanas/ Forces armées angolaises (FAA)], de la Namibie [Namibia Defence Force (NDF)], du Tchad [Armée nationale tchadienne (ANT)] et du Soudan, l’autre contrôlée par la branche armée du RCD, l’Armée nationale congolaise (ANC), l’armée rwandaise (APR), l’armée ougandaise (UPDF) et l’armée burundaise (FAB).

310Au fil des mois, la situation militaire est devenue plus complexe. Pour limiter l’emprise de l’ANC et de l’APR dans les Kivu, L. D. Kabila a noué des alliances avec des groupes armés Mayi-Mayi, le groupe armé hutu burundais des Forces pour la défense de la démocratie (FDD)466 ainsi qu’avec des ex-FAR/Interahamwe et des «éléments armés hutu» réorganisés au sein de l’Armée de libération du Rwanda (ALiR). De son côté, l’Ouganda, dont l’armée contrôlait une grande partie de la province Orientale, a créé et appuyé un second mouvement politico-militaire, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) présidé par Jean-Pierre Bemba, afin de gérer ses conquêtes dans la province de l’Équateur. En mars 1999, sur fond de désaccord grandissant entre le Rwanda et l’Ouganda quant à la stratégie à suivre face au Président Kabila, le RCD a éclaté entre une aile pro-rwandaise (RCD-Goma) et une aile pro-ougandaise [RCD-Mouvement de libération (ML)]. Malgré ces divisions l’armée du RCD-Goma (ANC) et l’APR ont continué d’étendre leur zone d’influence dans le Nord-Katanga, les Kasaï et l’Équateur.

311. Le 10 juillet 1999, sous une intense pression diplomatique, un accord a été signé à Lusaka entre les principaux belligérants467. Outre le cessez-le-feu, l’accord prévoyait le désarmement de tous les groupes armés, à commencer par les ex-FAR/Interahamwe, le départ des troupes étrangères et la tenue d’un dialogue politique intercongolais. Très ambitieux, l’accord n’a pas produit d’effet sur le terrain car les belligérants ont continué de chercher une solution militaire à la crise et le conflit s’est enlisé sur fond de pillage des ressources naturelles du pays et d’exacerbation de la violence contre les civils, notamment les femmes, en particulier dans les Kivu, le Nord-Katanga et la province Orientale.

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465 Le RCD a été créé officiellement le 16 août 1998. Présidé par un Congolais, Wamba Dia Wamba, le mouvement s’était fixé comme objectif de mettre fin à la présidence de Laurent-Désiré Kabila.
466 Les FDD étaient la branche armée du mouvement hutu burundais du Centre national pour la défense de la démocratie (CNDD).
467 Pour le texte de l’Accord, voir S/1999/815, annexe.