Enfants Associés aux Forces et Groupes Armés – Crimes commis par les EAFGA et justice juvénile

Section II > CHAPITRE II. Actes de violence commis contre les enfants > B. Cas particulier des enfants associés aux forces et groupes armés (EAFGA) >4. Crimes commis par les EAFGA et justice juvénile

La conséquence directe de l’usage généralisé d’EAFGA entre 1993 et 2003 a été que de nombreux enfants ont été impliqués dans des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Il est fondamental de tenir compte du fait que, dans beaucoup de cas, les EAFGA ont été utilisés, brutalisés ou menacés de mort afin de les obliger à commettre les crimes les plus horribles. Dans d’autres cas, ils ont été activement encouragés à commettre ces crimes. Bien qu’ils soient auteurs de crimes sérieux, les enfants ont été avant tout des victimes. Ainsi, lorsque des enfants ont commis des exactions, il a été essentiel de poursuivre d’abord les dirigeants politiques et militaires responsables des crimes commis par les EAFGA sous leurs ordres, selon le principe de la supériorité hiérarchique et de la personne la plus responsable, ainsi que d’enquêter pour savoir dans quelle mesure les enfants ont agi sous la contrainte ou l’influence de leurs supérieurs adultes. Malgré tout, les enfants peuvent être considérés comme responsables de certains crimes et dans ces cas précis, ils pourraient être poursuivis devant les juridictions internes conformément aux normes et aux principes du droit international pour l’équité des procès pour les personnes de moins de 18 ans qui érigent l’intérêt de l’enfant en priorité1300. En tout état de cause, la réhabilitation et la réinsertion des enfants dans la société devrait primer sur la sanction.

Force est de constater que ces principes n’ont pas été respectés par les tribunaux congolais militaires qui ont la compétence exclusive sur les crimes internationaux1301. En effet, plusieurs EAFGA ont été détenus1302, jugés et parfois condamnés à mort par la Cour d’ordre militaire1303, critiquée pour son iniquité, en contravention de tous les principes du droit international, en particulier de la Convention relative aux droits de l’enfant, pour l’équité des procès pour les personnes de moins de 18 ans. Sept enfants ont ainsi été jugés séparément à Kinshasa, Mbandaka et Matadi entre 1999 et 2002 et condamnés à la peine capitale. Ils avaient été inculpés « d’association de malfaiteurs », « d’homicide volontaire », de « dissipation d’armes » et de « meurtre en temps de guerre ». Dans six cas la peine a été commuée en une peine à perpétuité par décret présidentiel et un enfant a été exécuté à Kinshasa le 15 janvier 2002, seulement 30 minutes après le prononcé du verdict1304.


 
1300 Voir art. 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que l’Observation générale no 10 (2007) du Comité des droits de l’enfant, « Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs » (CRC/C/GC/10).
1301 Depuis la réforme de 2002, les juridictions militaires sont incompétentes à l’égard des enfants (art. 114 du Code judiciaire militaire), alors qu’auparavant, dès lors qu’ils étaient élèves d’une école militaire ou qu’ils servaient sous le drapeau, ils étaient justiciables des juridictions militaires (art. 129 du Code de justice militaire).
1302 Des enfants soldats arrêtés au Bas-Congo en 1998 seraient restés en détention pendant plus de cinq ans sans être présentés devant un magistrat. Voir CODHO, « Des arrestations et détentions arbitraires à Kinshasa », 2003.
1303 Le 1er mai, le 20 août 2001 et le 22 mai 2003, la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a envoyé, conjointement avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RDC, des appels urgents au Gouvernement de la RDC concernant la condamnation à mort de cinq mineurs par la Cour d’ordre militaire (E/CN.4/2002/74/Add.2 et E/CN.4/2004/7/Add.1); Dixième rapport du Secrétaire général sur la MONUC (S/2002/169); AI, « Enfants en guerre », 2003.
1304 MONUC, Section protection de l’enfant, septembre 2002.

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